L’allemand et moi, c’est une très longue histoire qui commence quand j’avais douze ans. A l’époque, j’appris à compter en allemand. Et certains mots.
Ensuite, par un mécanisme d’absorption, j’appris ce que signifiaient certains autres mots, au fil des ans.
Mais il y a à peu près un an que je me suis mis à l’apprendre sérieusement.
J’ai eu une époque naïve. Je me figurais qu’on pouvait apprendre cette langue sans maîtriser les genres des noms. A la quatrième ou cinquième leçon, je réalisai que c’était tout bonnement impossible.
Ensuite, vint l’époque rebelle. Je pensais que l’on pouvait supprimer l’apprentissage actif de la grammaire. Que les règles devaient s’infiltrer, s’installer d’elles-mêmes, trouver leur place au siège présumé de la mémoire des langues, dans ma tête. Cela dura à peu près dix mois, après lesquels je m’aperçu de mon incapacité à parler et écrire, pour cause d’ignorance grammaticale.
Aujourd’hui, j’ai compris. Je suis un homme convaincu, résigné, calme. Non seulement je sais qu’il faut faire des efforts, mais je le crois. Je suis un peu plus haut, de cinquante centimètres peut-être, par rapport au niveau zéro, ras le sol , où je me trouvais avant. J’ai un nouvel horizon devant mes yeux, je vois les pieds des chaises, des tables, les chaussures, le bas des portes, quant avant, il n’y avait que la poussière sur le carrelage, les moquettes et les araignées. C’est très important.